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ÉTUDES SUPÉRIEURES/France :Rémi Pellet: «Cette crise impose une réforme de la pédagogie universitaire»

TRIBUNE - Et si le retour à l’université prévu après l’été était l’occasion de changer radicalement la pédagogie dans le supérieur? Pour Rémi Pellet, professeur de droit, la mise en place de «la classe inversée» avec Internet permettrait de conjuguer les impératifs sanitaires de distanciation sociale et une élévation du niveau des étudiants.  Rémi Pellet est professeur de droit à l’Université de Paris et à Sciences Po Paris. Le confinement a conduit à la fermeture des universités. Les enseignants-chercheurs doivent veiller à assurer la continuité «pédagogique». L’adjectif est discutable car les étudiants ne sont pas des enfants, mais on le reprendra pour proposer un changement radical des méthodes d’enseignement dans le supérieur, concernant au moins les sciences sociales. Aujourd’hui, les étudiants peuvent avoir accès à des cours, articles et même ouvrages mis en ligne sur diverses plateformes informatiques. Certains professeurs dispensent des cours par audio ou visioconférences. Mais ces pratiques sont considérées comme un pis-aller, en attendant le retour à la normale. Or, il y a tout lieu de penser que le risque épidémique va perdurer et qu’il sera impossible de réunir dès septembre des centaines d’étudiants dans des amphithéâtres où il faudrait faire respecter des mesures de distanciation sociale (physique en fait). Les universités pourraient alors devenir de véritables «clusters». Ce risque sanitaire majeur impose aujourd’hui l’adoption dans l’urgence d’une réforme pédagogique qui aurait dû être entreprise depuis bien longtemps déjà, pour tenter de corriger un peu les défaillances du système scolaire. «La majorité des bacheliers ne maîtrise pas les rudiments de la langue française (grammaire, orthographe et, surtout, syntaxe)». En effet, qu’on y voie le résultat délétère de pratiques éducatives aberrantes ou de politiques sociales discriminatoires, le fait est désormais incontesté: aujourd’hui, la majorité des bacheliers ne maîtrise pas les rudiments de la langue française (grammaire, orthographe et, surtout, syntaxe). Tout indique que la situation s’est dégradée ces dernières années. Or, à l’Université, dans les années de licence, les cours magistraux ne sont souvent rien d’autre que des séances de dictées en «cybercafés»: les étudiants, censés suivre attentivement les propos du professeur, sont en réalité massivement connectés à internet, occupés à autre chose. «Faute d’argent pour acheter des livres ou parce qu’ils n’ont pas appris à travailler avec, la plupart des étudiants préparent les examens en révisant leurs notes de cours bourrées de fautes». En Italie, dans les facultés de sciences humaines le travail personnel sur des livres et des articles indiqués par les professeurs compte tout autant voire plus que les cours dans la préparation des examens écrits comme des oraux. Cette pédagogie, exigeante certes, explique l’excellente formation des Italiens qui viennent ensuite poursuivre un master ou un doctorat en France en lettres classiques, en philologie romane ou en histoire, par rapport à leurs condisciples français qui ne sont pas passés par les classes préparatoires littéraires. En France, faute d’argent pour acheter des livres ou parce qu’ils n’ont pas appris à travailler avec, la plupart des étudiants préparent les examens en révisant leurs notes de cours, bourrées de fautes. Ils ne peuvent donc faire évidemment aucun progrès. Dans ces conditions, il est urgent de changer les méthodes d’enseignement, pour des raisons aussi bien pédagogiques que sanitaires. S’inspirer de la méthode socratique ou cours inversé Les principes d’une telle réforme s’inspirent de la méthode anglo-saxonne dite socratique ou cours inversé. Pour chaque matière, l’université offrirait aux étudiants l’accès à un livre de référence choisi par le professeur, sachant que les bibliothèques universitaires mettent déjà gratuitement en ligne les principales revues scientifiques. Chaque enseignant-chercheur serait doté d’un site internet sur lequel il mettrait à disposition des étudiants le plan détaillé de son cours et les documents en ligne en rapport avec chaque séance. Les étudiants liraient ces documents avant chaque cours. Ils se connecteraient ensuite sur une plateforme de visioconférence grâce à laquelle le professeur commenterait les textes choisis. Les étudiants pourraient lui envoyer des questions par mail et il y répondrait en direct ou à la séance suivante. Les cours cesseraient d’être des séances de dictées Ainsi, les étudiants pourraient progresser car ils travailleraient principalement sur des textes de qualité. Leurs notes ne seraient qu’un appoint, et les cours cesseraient d’être des séances de dictées sans correction des fautes (innombrables). Les amphithéâtres deviendraient des salles d’étude où la distanciation sociale pourrait être respectée. Des appareils informatiques seraient mis à disposition des étudiants qui ne peuvent en acheter. Les contacts directs entre les professeurs et les étudiants seraient évidemment toujours possibles dans les locaux des universités, mais par petits groupes, à l’occasion de rendez-vous programmés à dates régulières. Les examens oraux pourraient avoir lieu par visioconférence. Et les écrits se passeraient selon des modalités informatiques déjà expérimentées dans plusieurs universités (contrôle continu de devoirs envoyés par mail, QCM en ligne, etc.) ou bien dans des amphithéâtres mais chaque promotion serait divisée en groupes, qui passeraient les épreuves à des dates différentes.

Date de publication28/04/2020

Sourceetudiant.lefigaro.fr

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